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Comme le dit un adage bien connu, il n’y a que deux certitudes dans l’existence : la mort et les impôts. Ces derniers nous sont familiers : nous remplissons des déclarations, nous nous penchons sur des taux et des réglementations. Le 15 avril est souvent encerclé en rouge et en gras sur les calendriers aux États-Unis, tant cette date est importante. Et, pour rappel, l’Internal Revenue Service (IRS) a perçu plus de 2 400 milliards de dollars de recettes et traité plus de 235 millions de déclarations de revenus pour la seule année 2007.

Mais qu’en est-il de la mort ? Pour la grande majorité d’entre nous, cette deuxième certitude reste bien plus abstraite. Du point de vue des biologistes, la mort se définit comme l’arrêt total de tous les processus vitaux, inévitable chez tous les êtres vivants. Malheureusement, cette définition ne nous renseigne guère sur le fait de « mourir » en lui-même. Que ressent-on au moment du décès ? Que voit-on ? Que fait-on ? Et où va-t-on ?

C’est précisément là que la Faucheuse intervient : cette représentation de la mort, drapée de noir et armée d’une faux. Chacun sait instinctivement qui elle est et ce qu’elle attend : elle surgit pour quêter l’âme de chacun, sablier à la main, veillant à ce que le dernier grain de sable s’écoule. Une fois que le sablier s’est vidé, d’un seul geste de sa lame effilée, elle s’empare de l’âme. L’image peut paraître effroyable, mais elle est d’une limpidité implacable.

En fin de compte, « le travail » de la Faucheuse revient à donner à la mort un visage humain. Mais pourquoi avoir choisi une figure aussi sombre ? Pourquoi ne pas l’avoir dépeinte comme un guide rassurant vers l’au-delà ? Et, tant qu’à faire, pourquoi est-ce un homme ?

Toutes ces questions trouveront une réponse dans les sections qui suivent. Nous explorerons les origines de la Faucheuse, le symbolisme de sa silhouette et la façon dont elle est représentée dans différentes cultures. Nous verrons aussi comment les peintres, écrivains et réalisateurs ont mis en scène la Faucheuse. Au terme de ce parcours, vous saurez précisément qui elle est (au cas où vous la repéreriez près de votre lit de mort), comment elle opère et, surtout, pourquoi elle existe.

Comme le soulignait Lewis Carroll, il est préférable de commencer par le début. Et pour la Faucheuse, ce commencement s’enracine dans les mythes de la création qui peuplent toutes les cultures.


Accepter sa propre mortalité

Avant d’avoir la Faucheuse, cette personnification de la mort, il fallait au préalable la mort elle-même. Dans presque toutes les traditions et croyances, l’humanité est d’abord créée comme étant immortelle, puis déchue de son état parfait. L’exemple phare reste la chute d’Adam et Ève dans la Bible. Selon la Genèse, Dieu a créé Adam et Ève pour qu’ils veillent sur le monde et peuplent la Terre. Adam et Ève vivaient au jardin d’Éden, un lieu paradisiaque. Dieu autorisa Adam à profiter de tous les fruits du jardin, sauf ceux de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Malheureusement, Satan (sous la forme d’un serpent) poussa Ève à manger le fruit défendu. Ève en proposa ensuite à Adam, qui en mangea en connaissance de cause. Pour avoir désobéi, ils firent ainsi l’expérience de la mort à la fois spirituelle et physique.

D’autres religions évoquent des humains mortels, cherchant malgré tout à accéder à l’immortalité. L’épopée de Gilgamesh en est un exemple : dans cette œuvre mésopotamienne, Gilgamesh, fils d’une déesse et d’un roi humain, demeure néanmoins mortel, au même titre que son ami Enkidu. À la mort d’Enkidu, Gilgamesh prend soudain conscience de sa propre finitude et entreprend de dénicher le secret de l’immortalité. Son périple le conduit jusqu’à Utnapishtim, un homme auquel les dieux ont accordé la vie éternelle. Ce dernier lui promet l’immortalité s’il parvient à rester éveillé une semaine. Gilgamesh, hélas, s’endort. Malgré cela, Utnapishtim lui offre une plante capable de rajeunir qui la possède, mais un serpent l’engloutit, anéantissant les espoirs d’éternité de Gilgamesh.

Dans la légende mésopotamienne, Gilgamesh rentre chez lui et se réconcilie avec sa condition de mortel. La plupart d’entre nous, en revanche, avons bien du mal à accepter aussi sereinement notre sort. L’idée de notre finitude nous perturbe. La mort plane en effet constamment sur notre quotidien. Les chiffres d’enquêtes le révèlent clairement : un sondage de 2007 montrait que 20 % des Américains âgés de 50 ans et plus tremblaient à l’idée de ce qu’il adviendrait d’eux après leur dernier souffle. Par ailleurs, 53 % déclarent croire aux fantômes ou aux esprits et 73 % estiment qu’il existe une forme de vie après la mort.
En somme, le processus de la mort, tout comme ce qui suit, captive depuis des millénaires. Pour y trouver un sens, l’être humain a recours à une technique éprouvée : donner à la mort une apparence familière, la rendant concrète et palpable. Si en scrutant la mort, vous y percevez un visage amical, vous pouvez la comprendre, et peut-être même dépasser vos angoisses.

Cependant, l’inverse se produit aussi : en regardant la mort, on peut y discerner un visage terrifiant. Comme nous allons le voir dans la prochaine section, l’allure glaçante de la Faucheuse a émergé à la suite d’une période particulièrement sombre de l’histoire humaine.


Origine de la Faucheuse

Lorsqu’on veut donner une forme humaine à la mort, on peut parfaitement la rendre chaleureuse. Les Grecs l’avaient déjà fait, en nommant la mort Thanatos. Celui-ci était le frère jumeau d’Hypnos, dieu du sommeil, et tous deux s’incarnaient sous les traits de jeunes hommes avenants. Sur certaines représentations, Thanatos apparaît doté d’ailes et d’une flamme éteinte, dont la mission consiste à conduire les défunts jusqu’à Hadès, le royaume souterrain. Là, Thanatos remet les âmes à Charon, le passeur du Styx. Dans cette version grecque, la mort est donc loin d’être hideuse et effrayante ; elle se veut au contraire utile et plutôt séduisante.

Des déclinaisons féminines existent aussi. Dans la mythologie nordique, les Valkyries sont de jolies jeunes femmes à la fois messagères d’Odin et escorteurs des guerriers tombés au combat. Le terme « Valkyrie » signifie d’ailleurs « celles qui choisissent les morts ». Sur le champ de bataille, elles apparaissent juchées sur des chevaux ailés, identifient les combattants vaillants destinés à périr, puis emmènent leurs âmes au Valhalla, domaine d’Odin. Dans l’au-delà, ces âmes héroïques s’apprêtent à participer à la bataille finale de Ragnarok, annonciatrice de la fin du monde.

Ces Valkyries évoquent les anges, qui établissent un lien spirituel entre le divin et les hommes. Dans certaines histoires, les anges jouent les messagers ou les protecteurs ; dans d’autres, ils interagissent avec les défunts, punissant parfois les pécheurs. L’ange de la mort – un esprit recueillant l’âme du défunt au moment du décès – émerge dans de multiples religions et cultures. Michel et Gabriel, archanges de la tradition judéo-chrétienne, ont parfois assumé ce rôle. Dans l’islam, Azraël incarne l’ange de la mort ; certaines illustrations le représentent comme une créature terrifiante couverte d’yeux et de langues, tenant un grand livre où il note les naissances et efface les noms des personnes au moment de leur mort.


Amis pour la vie : La Faucheuse et la Peste

Au Moyen Âge, la figure de l’ange de la mort était déjà solidement ancrée dans l’imaginaire religieux et culturel de l’Europe. Toutefois, un événement sanitaire majeur de la fin du XIVe siècle a redéfini en profondeur l’approche qu’avaient les gens de la mort : la peste de l’ère médiévale, considérée comme l’une des pandémies les plus dramatiques de l’histoire. Lors de la première flambée, au moins 25 millions d’individus succombèrent, et les épidémies successives fauchèrent d’innombrables victimes pendant plusieurs siècles. De la peur – la crainte de mourir, d’une maladie inconnue, et de la souffrance provoquée par la gangrène des membres – naquit une atmosphère de sinistrose généralisée. Elle a imprégné le moindre recoin de la société, influençant durablement les écrivains et les artistes.

Il n’est pas étonnant que, dans les œuvres médiévales, la mort finisse par prendre la forme d’un squelette. La plupart du temps, elle brandit un projectile (flèche, dard ou autre) avant que cet arsenal ne cède la place à la fameuse faux, outil utilisé pour moissonner céréales et herbes hautes. On la voit alors balancer sa lame au-dessus des foules, tranchant les âmes comme on récolte le blé. Parfois, une jeune femme se tient près de ce squelette pour souligner l’étroite relation entre la vie et la mort. Autre motif prisé : la mort qui interagit avec les vivants pour les entraîner dans la tombe. C’est la danse macabre, où des squelettes se déhanchent et badinent avec des personnes de toute condition.
De ces représentations de la mort issues de l’ère de la peste est née la figure que nous nommons aujourd’hui la Faucheuse. Dans la partie suivante, nous allons décrypter la portée symbolique de sa silhouette.


Symbolisme de la Faucheuse

Rien, chez la Faucheuse, n’est laissé au hasard. Son accoutrement, ses accessoires, tout révèle à la fois sa nature et ses intentions lorsqu’elle se présente enfin. Observons certains de ces symboles un à un :

  • Crânes et squelettes. À l’époque où la peste ravageait l’Europe et l’Asie, il n’était pas rare de voir des cadavres entassés. Lors de la Grande Peste de Londres (1665-1666), on estime qu’un habitant sur cinq mourut [source : National Geographic]. Les peintres et illustrateurs, baignés dans cette réalité macabre, ont donc choisi de dépeindre la mort comme un squelette ou un corps en décomposition. Le squelette symbolise la désintégration de la chair terrestre et, plus profondément, la crainte viscérale de l’annihilation.
  • Manteau noir. Depuis longtemps, le noir est associé au deuil et à la mort. On le porte pour les funérailles et l’on transporte les cercueils dans des corbillards noirs. Le noir renvoie aussi au mal ou à la menace. La cape noire de la Faucheuse nourrit cette aura de mystère et de danger, car on redoute autant ce qu’on ne voit pas que ce qu’on voit. Dissimulée dans l’ombre de ce manteau, la Faucheuse entretient la peur de l’inconnu.
  • La faux. Dans les premières représentations, la mort est armée de flèches, de lances ou de carreaux d’arbalète pour frapper ses cibles. Peu à peu, ces armes ont été supplantées par la faux, outil servant à couper le grain. Dans les civilisations agraires, la récolte – généralement à l’automne – symbolisait la fin d’un cycle annuel. À l’image des moissonneurs qui fauchent les céréales, la mort moissonne les âmes pour leur passage vers l’au-delà.
  • Le sablier. Cet objet emblématique se compose de deux ampoules en verre, reliées par un fin passage dans lequel le sable met environ une heure à s’écouler de la partie supérieure à la partie inférieure. Il est si étroitement lié à l’écoulement du temps qu’il subsiste même à l’ère numérique : il nous signale souvent d’attendre, par exemple, lorsqu’un ordinateur exécute une tâche. Dans la main de la Faucheuse, le sablier souligne que nos jours sont comptés. Quand le sable arrive à son terme, le compte à rebours touche à sa fin. Nous n’avons qu’à espérer qu’il nous reste plus d’une petite heure à vivre.

Cette vision de la mort brandissant une faux et enveloppée dans un manteau noir apparaît même dans certains écrits religieux. La meilleure illustration en est l’Apocalypse, au chapitre 6, versets 1 à 8. Quatre cavaliers incarnent alors divers fléaux de la fin des temps : la peste, la guerre, la famine et la mort. Parmi eux, seule la Mort est nommée explicitement et chevauche un cheval blafard, interprété souvent comme vert pâle, teinte de la maladie et de la putréfaction. Dans la majorité des représentations, ce cavalier emprunte les traits même de la Faucheuse, avec son crâne menaçant sous une cape sombre et sa faux prête à faucher.

Aujourd’hui, la Faucheuse demeure une grande source d’inspiration pour les artistes. La section suivante illustre quelques-unes de ses apparitions dans la culture populaire.


La Faucheuse dans la culture populaire

Il ne fait aucun doute que la Faucheuse est un personnage idéal pour la fiction, c’est pourquoi on la retrouve depuis des siècles dans bon nombre de récits. L’un des archétypes narratifs majeurs s’intitule « tromper la mort » : il s’agit de l’histoire d’un individu qui entreprend de déjouer la Faucheuse pour y échapper. L’épisode du rabbin Ben Levi, mis en poésie par Henry Wadsworth Longfellow, en est un remarquable exemple. Dans ce récit, la Mort apparaît au saint homme et l’avertit que son heure est venue : « Lo ! the time draws near / When thou must die » (« Vois ! L’instant approche / Où tu dois mourir »). Le rabbin demande alors à porter l’épée de la Mort. Dès qu’il la reçoit, il se hâte de fuir et de se cacher, jusqu’à ce que Dieu lui-même intervienne. Dieu épargne la vie de Ben Levi, mais exige qu’il rende l’épée à son véritable possesseur.

D’autres œuvres classiques ont fixé durablement l’image moderne de la Faucheuse, comme la Danse Macabre, type de pièce de théâtre né suite à la peste noire. Leur but : préparer les fidèles à l’inéluctabilité de la mort. Le scénario se déroule le plus souvent dans un cimetière ou sur le parvis d’une église, où la Mort, habituellement représentée par un squelette, vient chercher une victime. Celle-ci tente de négocier sa vie, mais c’est peine perdue : la Mort l’emmène finalement, souvent entourée d’autres silhouettes squelettiques. Ces scènes se sont imposées comme des motifs privilégiés pour des graveurs allemands tels que Bernt Notke et Hans Holbein. Leurs images montrent des squelettes gambadant parmi des gens de toutes classes sociales, signifiant que personne, pas même un roi, ne peut y échapper.

Plus récemment, Le Septième Sceau d’Ingmar Bergman (1957) a eu un retentissement similaire. Le film met en scène Antonius Block (Max von Sydow), chevalier de retour des croisades, confronté à une Europe dévastée par la peste. La Mort (incarnée par Bengt Ekerot) est là pour le prendre, mais Block, dans sa détresse, lui propose une partie d’échecs. Malgré ses efforts, il la perdra finalement. Au-delà de la trame, c’est surtout le visage blafard d’Ekerot, caché derrière sa cape noire, qui reste à jamais gravé.
La Faucheuse ou un personnage équivalent fait également des apparitions marquantes dans des œuvres telles que :

  • « (Don’t Fear) The Reaper », chanson de Blue Öyster Cult sortie en 1976 et devenue un classique du rock.
  • « Because I could not stop for Death », poème d’Emily Dickinson, où la narratrice embarque en calèche avec la Mort.
  • « A Christmas Carol » de Charles Dickens, dans lequel le Fantôme de Noël à venir, sinistre et silencieux, montre à Scrooge sa propre fin.
  • Les romans du Disque-monde (Discworld) de Terry Pratchett, où la Mort se révèle plutôt bienveillante envers l’humanité.
  • « The Sandman » de Neil Gaiman, série de bandes dessinées novatrices dans laquelle la Mort prend l’apparence d’une jeune femme.
  • « Death Takes a Holiday » (1934), un film où la Mort fait une pause pour vivre l’expérience de la mortalité ; le remake de 1998, « Meet Joe Black », met Brad Pitt dans le rôle de la Faucheuse.
  • « Scream » (1996), film d’horreur où un tueur masqué revêt un costume noir, rappelant celui de la Faucheuse.
  • « Dead Like Me », série produite par Showtime qui suit le quotidien (ou l’après-vie) d’un groupe de faucheurs à travers la société des vivants.

Qu’elle suscite l’effroi ou l’ironie, qu’elle soit féminine ou masculine, la Faucheuse restera probablement une figure incontournable de notre imaginaire collectif. Et si, un jour, les créateurs en viennent à se lasser de la mort et du trépas, la Faucheuse, elle, attendra sereinement dans l’ombre… pour mieux finir par nous cueillir un par un.


FAQ sur la Faucheuse

  • Que fait la Faucheuse ?

  • Dans un grand nombre de cultures, la mort s’incarne sous divers visages. L’une des plus célèbres représentations demeure la Faucheuse : un squelette vêtu d’une grande cape noire, tenant une faux, et venu chercher l’âme de chaque mortel.

  • D’où vient la Faucheuse ?
    Les récits autour de la Faucheuse sont apparus en Europe au XIVe siècle, au moment où la peste noire ravageait le continent.

  • La Faucheuse est-elle un ange ?
    On la surnomme aussi « l’ange de la mort ». Cela dit, plusieurs anges, dans différents contextes religieux, sont liés à la mort, parfois sous un jour positif, parfois de façon plus obscure.

  • Que se passe-t-il si l’on voit la Faucheuse ?
    Selon certaines traditions, si vous apercevez la Faucheuse de votre vivant, cela signifierait que vous êtes destiné à devenir faucheur vous-même après votre propre décès.

  • La Faucheuse vous tue-t-elle ?
    La Faucheuse est une entité spectrale, perçue comme l’incarnation de la mort. Elle ne « tue » pas à proprement parler, mais vient plutôt chercher ou guider l’âme des défunts vers l’autre monde.

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