Au tout début du XVIIe siècle, l’expression « Jolly Roger » servait à qualifier un homme à l’humeur joyeuse et amicale. Pourtant, cette dénomination n’avait alors aucune relation apparente avec les redoutables pirates ni avec les drapeaux qui flottaient sur leurs navires.

Comment et quand ce terme a-t-il commencé à identifier les drapeaux de pirates ?
Sur le plan historique, la tête de mort s’affichait sur les navires pirates afin de signaler à leurs victimes qu’une attaque était imminente.
De nos jours, ce symbole est devenu universel. En plus d’être adopté comme motif dans la mode, il représente aussi toute forme d’opposition envers l’autorité. Il est même utilisé comme emblème par un parti politique (le Parti Pirate). À l’ère de la « piraterie sur Internet », ce drapeau est omniprésent dans l’immense univers du World Wide Web.
Des études montrent que l’emploi de l’expression « Jolly Roger » pour désigner les drapeaux pirates (du moins dans les écrits) remonte à 1724, date à laquelle parut l’ouvrage de Charles Johnson intitulé A General History of the Pyrates (Histoire générale des pirates). Cette décennie (les années 1720) est d’ailleurs souvent décrite comme « l’âge d’or de la piraterie ».

Dans ce livre, Johnson cite deux capitaines pirates ayant baptisé leur drapeau « Jolly Roger » : Bartholomew Roberts en 1721 et Francis Spriggs en 1723. Bien qu’ils aient tous deux utilisé la même appellation, leurs pavillons respectifs différaient et aucun ne portait réellement de tête de mort. Cela prouve que l’expression « Jolly Roger » désignait déjà le pavillon noir caractéristique des pirates, quelle qu’en soit la forme, et pas uniquement le motif communément répandu de nos jours.
Un témoignage datant de 1724 d’un homme capturé par des pirates confirme cette idée : il rapporta avoir vu un drapeau représentant un squelette transperçant un cœur à l’aide d’une lance, hissé sur le mât du navire, et que l’équipage appelait également « Jolly Roger ».
Comme on l’a déjà souligné, l’expression « Jolly Roger » possédait différentes nuances. Un rapport naval de 1703 mentionne un pirate appelé John Quelch, naviguant près des côtes brésiliennes, qui utilisait un certain « Old Roger ». Or, « Old Roger » était un surnom du diable. On peut donc supposer que cette appellation a par la suite évolué pour qualifier le crâne ou le squelette représenté sur les pavillons pirates, symbolisant eux aussi la mort ou le diable.
Une autre hypothèse évoque une étymologie différente : certains chercheurs avancent que « Jolly Roger » proviendrait de « Jolie Rouge » (« Pretty Red »), faisant référence au pavillon rouge utilisé par certains corsaires français. Toutefois, cette théorie ne peut être confirmée, car aucun document historique relatif aux pirates ne mentionne l’expression « Jolie Rouge ».

Cette fameuse marque, la tête de mort, aurait fait son apparition sur des drapeaux dès le XVIIe siècle. On suppose que son usage fut inspiré par les bannières arborées par les pirates barbaresques (corsaires ottomans), qui déployaient un drapeau vert orné d’un crâne. Quant à la couleur noire qu’ont adoptée de nombreux pirates, elle évoquerait la bannière noire musulmane, bien que cela reste au stade de la spéculation.
L’une des premières références écrites concernant ce motif remonte au 6 décembre 1687 dans un journal de bord, où il est précisé que ce type de drapeau pirate était davantage utilisé sur la terre ferme que sur un bâtiment en mer. Emanuel Wynn, capitaine pirate français, est souvent cité comme le premier à avoir hissé le Jolly Roger. Son drapeau comportait un sablier sous la tête de mort, comme l’indique un rapport de l’Amirauté britannique daté du 18 juillet 1700. D’après ce document, le navire HMS Poole aurait affronté le bâtiment de Wynn, qui arborait justement ce pavillon particulier.

Au sortir de la guerre de Succession d’Espagne (1714), la piraterie connut une expansion fulgurante. Les pirates employaient fréquemment des Jolly Roger noirs et rouges, ornés de divers symboles. Les images choisies représentaient généralement la mort ou le diable.
Le pavillon noir du Jolly Roger n’était cependant pas toujours affiché à bord. Les pirates disposaient de plusieurs drapeaux et naviguaient régulièrement sous de fausses couleurs. Le Jolly Roger n’était hissé que lorsqu’une cible se trouvait à portée de tir, accompagné d’un coup de semonce pour se faire reconnaître. Les navires menacés pouvaient alors se rendre ou tenter de résister. Si l’adversaire optait pour la résistance, le pavillon noir était remplacé par un Jolly Roger rouge, annonçant l’absence totale de pitié : dans ce cas, aucun prisonnier ne serait fait.
Bien plus qu’un simple drapeau, le Jolly Roger était un symbole fort – la preuve incontestable qu’un navire se réclamait de la piraterie. Un capitaine n’avait même pas besoin de le hisser pour prouver sa condition de pirate : le simple fait d’en détenir un suffisait. Ceux qui osaient le brandir savaient déjà qu’ils risquaient à tout moment d’être arrêtés ou exécutés.
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